Renaissance – Scheherazade and Other Stories

Difficile de s’y retrouver aujourd’hui dans le grand fourre-tout que représentent les disques passés. Devant la médiocrité du quotidien, on est pourtant tenté de se tourner vers ce passé avec un fantasme: trouver la perle qui nous a échappé, le disque qui change notre vie. Grâce à la chronique du dimanche sur pulpmymind, on vous mâche le travail en vous présentant un disque indispensable par semaine. Satisfait ou remboursé.

Renaissance – Sheherazade & Other Stories (1975)

Sheherazade

Question anachronisme, la pochette annonce la couleur.

Puisqu’il sera bientôt question de rock progressif sur Pulpmymind, je vous propose cette semaine de nous pencher sur un album tout droit sorti de la malle poussiéreuse des 70’s, un album qui pose la question de classicisme dans la musique rock, aspect cher au cœur des groupes qui progressent et bien souvent vulgarisé (oui oui, Muse et Symphony X, on parle de vous) pour appeler au snobisme d’un public qui – bien souvent – reconnait un peu trop aveuglement du génie à trois coups de violons, comme en témoigne le travail risible de Kamen sur le S&M de Metallica (dont les seules vraies réminiscences classiques sont dues à feu Cliff Burton).

Cette première phrase étant assez longue, je vais enchaîner sur des gentils points de contextes. Renaissance a une origine purement rock. Créé par d’ex-Yardbirds et des membres issus des univers pop et psyché, il intégrera bien vite la musique classique, notamment par des citations de grands compositeurs. Cette marque de fabrique prendra de l’ampleur avec l’arrivée de John Tout aux claviers (brillant pianiste) et de la soprano Annie Haslam, dont le timbre enchanteur permet de passer de l’évidence pop à une sophistication plus classicisante.

Je n’irais pas par quatre chemin, ce disque est admirablement intelligent et travaillé. Quatre titres s’enchaînent. Le premier annonce un mélange en classique et rock un peu trompeur, mélodies lumineuses et claviers inventifs se donnant la réplique avec un souci de mélodie constant. Si je dis que le mélange est trompeur c’est que l’album prend soin de dissocier les influences, avec deux titres suivant dans la tradition Renaissance et folk, toujours porté par des lignes de chant merveilleuses.

C’est donc sur le dernier titre de 24 minutes que le groupe se donne les moyens de son ambition. En récupérant le thème de Sheherazade de Rimsky-Korsakov. Abandonnant totalement l’idée de copie ou de récupération, Renaissance crée sa propre version de l’œuvre, qui se décline en 9 thèmes se répondant les uns aux autres, le tout en respectant scrupuleusement des modes de composition de l’époque médiévale. Citons en deux:

                              – Voix parallèles: en des temps reculés ou l’Eglise maîtrise jusqu’à l’utilisation des harmonies, les excentricités sont bannies et la règle veut que l’écart de ton entre des voix parallèle soit très régulé – à l’octave, généralement (cf. trompettes qui jouent le thème d’intro).

                              – Accords suspendus: il s’agit d’accords dont il manque une composante, celle là même qui donne la tonalité mineur ou majeur (vecteur d’émotion dans la musique contemporaine, où l’on considère que mineur = triste et majeur = joyeux), ce qui leur donne une couleur naturellement exotique.

La force du groupe est que, malgré l’utilisation de procédés bien plus complexes que je ne maîtrise donc pas, le propos mélodique reste toujours d’une clarté à couper le souffle. Les progressions d’accords, en plus d’être très efficaces musicalement, sont également très ludiques. Au final, cette pièce parait presque simple malgré l’infini niveau de détails harmoniques. En cela, le groupe se détache des démonstrations de bien d’autres en gardant une rigueur et une retenue exemplaire.

Tout ça nous donne un disque indispensable, qui vous propose une expérience authentique, loin des artifices tape-à-l’oeil de la majorité des groupes dits ‘symphoniques’. Une bulle d’intelligence et de savoir faire.

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