Thin Lizzy – Jailbreak

Difficile de s’y retrouver aujourd’hui dans le grand fourre-tout que représentent les disques passés. Devant la médiocrité du quotidien, on est pourtant tenté de se tourner vers ce passé avec un fantasme: trouver la perle qui nous a échappé, le disque qui change notre vie. Grâce à la chronique du dimanche sur pulpmymind, on vous mâche le travail en vous présentant un disque indispensable par semaine. Satisfait ou remboursé.

Thin Lizzy – Jailbreak (1976)

Jailbreak

On sent direct que ça rigole pas.

Thin Lizzy, c’est énorme. Gigantesque, même. Gigantesque de classe et qualité, gigantesque de constance, gigantesque d’inventivité. Malheureusement pour le monde, Thin Lizzy n’a pas bénéficié d’un service marketing aussi performant que ses petits camarades des 70’s, et lors du retour en grâce de cette musique auprès des jeunes, le gang de feu Phil Lynott est un peu oublié.

Ce Jailbreak peut être sans problème considéré comme le premier grand disque de Lizzy (ils en feront pas mal). Les débuts du groupes, dans un genre plus folk/blues que hard, n’ont jamais dépassé le stade du sympathique, avec quelque sursaut (le plus notable étant la reprise de l’air traditionnel Whiskey in The Jar, qui les propulsera sur le devant de la scène). Avec Jailbreak, les choses changent et le groupe prend une autre ampleur.

Dès le premier titre, on pige que le ton va se durcir. Riff granuleux, voix menaçante aux accents argotiques, et déjà le rugissement à l’unisson de la paire de guitariste. Pourtant, impossible de dire que l’agressivité caractérise le disque. Tout simplement parce que Lizzy s’appuie avec tout sur un song writing impeccable: titres variés, ornementations instrumentales aux petits oignons, lignes de chant au poil… Que ce soit en riff, en arpège, en soli, les guitares sont toujours parfaitement réglée, et chaque intonation de Lynott (qui est conteur avant d’être chanteur) donne l’impression de coller parfaitement à l’ensemble malgré une apparente décontraction. Résultat: le groupe ne se sent pas obligé d’envoyer la sauce pour colmater et le disque est hard par choix artistique, de manière mesurée et précautionneuse, à l’image du monstrueux Emerald, dont les riffs tortueux se perdent dans un magma de soli en fusion sans jamais que la mélodie ne se sacrifie au bruitisme. De même, lorsqu’il faut mettre la pédale douce, c’est avec un grand naturel que le groupe se fait aérien et rêveur, grâce à des guitares délicieusement sensibles et vives.

Histoire de bien marquer le coup, le groupe en profite pour balancer deux titres intemporels: The Boys are Back In Town et Cowboy Song (dont les soli sont à pleurer tellement c’est beau), deux titres représentatif du coté burné vaguement poète de Thin Lizzy – et donc de Lynott, son leader unique et irremplaçable – : loin des motards tachés de cambouis d’AC/DC ou de Motorhead, loin des hippies dingues de Led Zeppelin ou Deep Purple, Thin Lizzy est unique. Une sorte de marin rugueux, qui ne vit pas à travers son opposition au monde et ne monte le ton que pour exprimer sa profonde envie d’exister et d’être libre, tout simplement.

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